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les ravioules
10 février 2010

mardi soir

Comme chaque soir avant de se coucher, lors de la dernière promenade avec son chien, aux alentours de vingt trois heures, elle tourne à droite en sortant de son petit immeuble mi-bourgeois, mi-défiguré par les travaux de rénovation des promoteurs.

A l'angle de la rue, toujours le même personnage; le brouillon d'Alice aux Pays des Merveilles, cultivé par des années de rondes cochonnes dans le quartier. Elle s'assoit sur le banc, à dix mètres de là, et libère le chien qui s'excite dans cinq mètres carrés d'herbes jaunes, pleine de merde.

Depuis une semaine environ, peut-être moins, elle n'en est pas certaine, une personne, accoudée à la fenêtre du troisième étage de son propre immeuble, semble l'observer. La faible lumière qui éclaire l'intérieur de l'appartement et l'obscurité ambiante ne lui permettent pas de discerner correctement la silhouette.

Ce soir, elle ne détourne pas le regard, elle imagine un homme, seul, qui se cache chez lui, le visage dévoré par une atroce maladie, ou peut-être une femme si laide, que chaque nuit, elle examine chaque passante et sélectionne le visage qu'elle aimerait mutiler et prélever afin de le porter, le temps d'une journée. Et après tout,  avec cette allure de marionnette abandonnée, cela ne pourrait-il pas être un corps desséché comme celui  de feu Madame Bates si précieusement conservé par son fils?

Elle n'entend plus son chien, elle baisse la tête, le cherche, le siffle, il a disparu.

"Hé toi, sur le banc, avec ton gros blouson!". C'est un homme.

Elle se retourne vers l'inconnu à la fenêtre, il lève son bras, et pointe de son index l'arrêt de bus de la place Jean Jaurès, à quelques mètres sur la gauche.

Elle court vers son chien, le prend sous le bras, en interrompant sa consciencieuse dégustation  d'une petite flaque sinistre et asséchée sur le trottoir. Elle retourne vers son immeuble.

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